Transition énergétique & copropriétés
Mythes - Réalités - Perspectives
Le présent document rassemble les éléments de problématique déduits des recherches internes de COPRO+ et de celles conduites par ou avec d'autres équipes (Planète Copropriété, ARC,,…) sous l'égide du PUCA et du PREBAT. (voir pdf)
1 Contexte et objet du document
La prise en compte des objectifs Grenelle s'exprime pour les collectivités nationales ou régionales en tonnes de CO2 évitées. Parmi les sources d'économies potentielles (industrie, transports, immobilier,…), le bâtiment collectif est un gisement plus facilement exploitable puisque la consommation énergétique est très importante mais peut être régulée par des mesures techniques éprouvées, nécessitant toutefois des investissements lourds avec un R.S.I. long.
En ce qui concerne l'habitat, l'objectif se traduit en nombre de logements rénovés. Parmi les formes d'habitat, la copropriété privée est le secteur sur lequel la personne publique a le moins de moyens d'action. Sa contribution à l'effort national est donc difficile à évaluer.
Dans ce contexte, le PUCA organise un appel à projets auprès des collectivités territoriales, pour développer des initiatives technico-financières susceptibles d'aider à l'atteinte de ces objectifs. En prolongement de différents travaux effectués pour le compte du PUCA ou de l'Anah sur l'amélioration de la gestion des copropriétés, COPRO+ accompagne le PUCA, aux côtés de Vesta Finances, pour l'organisation de cette opération.
COPRO+ Jeune Entreprise Innovante, a acquis sa notoriété par les résultats de ses interventions d'accompagnement, soit auprès des conseils syndicaux de copropriété soit auprès des collectivités territoriales (dont participation OPAH).
Cécile BARNASSON et Pierre OLIVIER sont les auteurs de l'ouvrage « Sauvons les copropriétés, Ce qu'il faut changer » publié en octobre 2011, dans lequel ils préconisent des mesures convergentes avec celles du projet de loi ALUR.
Pascal LEMONNIER a donc demandé à COPRO+ d'apporter sa vision des difficultés spécifiques des copropriétés et des perspectives de massification des opérations. Le présent document rassemble les éléments de problématique déduits des recherches internes de COPRO+ et de celles conduites par ou avec d'autres équipes (Planète Copropriété, ARC,,…) sous l'égide du PUCA et du PREBAT.
2 - Les mythes, freins et difficultés des copropriétés
2.1 Structure juridique et notion de maîtrise d'ouvrage
La plus grande confusion est celle introduite par les juristes qui parlent de maître d'ouvrage pour le syndicat des copropriétaires alors qu'il ne s'agit que d'une mosaïque d'individus aux objectifs divergents.
Le socle juridique qui confère au syndicat des copropriétaires le rôle de maître d'ouvrage sur des biens qui ne lui appartiennent pas, et qu'il ne peut donc pas inscrire dans son bilan, est une aberration (cf nos études précédentes).
2.2 L'approche « obligation » n'est pas copro-compatible
Le syndic administre plus qu'il ne gère. Son pouvoir est limité à l'exécution des décisions prises par l'Assemblée réunie une fois par an. Cette entité est aussi imprévisible qu'instable (effet kaléidoscope).
Le syndic a une obligation de moyens (présenter des résolutions) mais ne peut avoir aucune obligation de résultat (vote). Il a rarement le capital confiance qui lui permettrait d'imposer ses vues, mais au contraire, il expose dangereusement son mandat en poussant des résolutions jugées inopportunes.
Aucune coercition (sauf refus d'aide) ne peut être exercée efficacement contre cet ensemble d'individus.
Les contraintes de coordination des opérations sur parties privatives d'intérêt collectif, (ouvrants), sont aggravées par l'ambigüité des textes (qui est maître d'ouvrage ?). L'obligation théorique est pratiquement inapplicable.
Les obligations de type « sécuritaire », comme la mise aux normes des ascenseurs, peuvent effectivement être obtenues par la peur, mais, sans préparation, on a pu constater qu'elles risquaient d'aggraver la situation et d'aboutir à détruire le fragile équilibre de la gestion de nombreuses copropriétés.
2.3 L'énergie ne peut être la priorité des copropriétés
La principale préoccupation de la collectivité « copropriété » devrait être la gestion de l'entretien des parties communes, mais son statut n'intègre pas de dispositions pour la prise en compte de leur usure et les moyens d'y remédier, ni sur le plan technique (inventaire), ni sur le plan financier (investissement / amortissement / provision).
Par voie de conséquence, la copropriété qui sait, tant bien que mal, gérer son budget de fonctionnement, dans lequel l'énergie est le premier poste, ne sait pas organiser l'entretien lourd, comme la rénovation énergétique, par des opérations d'investissement dont l'ampleur est souvent 10 fois plus conséquente.
Plus que de leurs déficiences énergétiques, les copropriétés souffrent d'un mal chronique, la défaillance financière des copropriétaires, que nous appelons l'impayite, caractérisée par un taux d'impayés supérieur à 15%. Les deux maux sont souvent liés car dans les immeubles dégradés, les copropriétaires solvables qui le peuvent ont déjà quitté le navire, détruisant l'équilibre social et économique global.
2.4 Approche théorique du Plan Bâtiment Grenelle
Le plan Bâtiment Grenelle chantier copropriété a eu le mérite de mettre l'accent sur les enjeux de la rénovation énergétique et de lancer une forte campagne de sensibilisation sur le sujet. Toutefois, par méconnaissance des spécificités décrites ci-dessus, la transposition à la copropriété des dispositifs déployés pour les autres formes d'habitat collectif reste très théorique et de faible efficacité.
Il en résulte des dispositions difficilement copro-compatibles :
- Le cycle « imposé » : audit puis plan pluriannuel ou CPE l'année suivante est totalement irréaliste avec la gouvernance en place et les différentes contraintes et exigences de la loi de 1965.
- La capacité à mettre en place un plan pluriannuel de travaux est très limitée pour la rénovation énergétique en copropriété. Les contraintes de cohérence technique et l'ampleur des budgets en jeu impliquent généralement l'organisation d'un programme de travaux avec une ingénierie technique et financière globale.
- La mise en place des CPE est extrêmement dangereuse en copropriété car les statuts et les compétences des deux signataires ne sont pas équilibrés. Il y a tous les germes de litiges pour lesquels les syndics, signataires, auront des difficultés à trouver une assurance.
- L'éco PTZ individuel très complexe est pratiquement inapplicable en copropriété
- L'éco PTZ collectif, miroir aux alouettes d'une approche collective, est toujours au rayon « futur ».
2.5 La non solidarité des copropriétaires
La solidarité entre les copropriétaires est incontournable. En cas de défaillance de l'un, les autres devront se partager sa dette. Les exigences actuelles de couverture d'une non solidarité entre copropriétaires pour l'octroi d'un prêt collectif ne résistent pas à l'analyse. Un défaillant pour l'emprunt sera aussi défaillant pour ses charges courantes (généralement plus élevées). Dans le cas de prêts « collectifs », les surcoûts importants de garantie liés à la non solidarité en cas de non remboursement de l'emprunt, ne sont pas justifiés. Il vaut donc mieux globaliser le risque au niveau de la copropriété sachant que sur des immeubles rénovés, dans une copropriété correctement gérée, les privilèges permettront de récupérer la dette lors de la vente. Ce n'est donc pas le risque d'emprunt qu'il faut couvrir mais juste le relais de financement de l'impayé. Bien entendu ce postulat ne s'applique que dans l'hypothèse d'un marché immobilier réel, c'est-à-dire pour une valeur marchande du bien rénové > 1 000 € / m². En deçà il faut s'interroger au préalable sur l'intérêt d'un acharnement thérapeutique de rénovation.
2.6 La jungle des montages financiers, aides et mesures fiscales
Les copropriétaires ne sont pas à égalité face au problème de financement de leur contribution aux travaux selon leur âge (accès à l'emprunt) et situation personnelle (aides) :
- Le brouillard des aides est très épais (à la copropriété, à la personne, sous conditions techniques, sous conditions de ressources, ….)
- La notion d'eco-conditionnalité est très peu lisible et instable (évolution des normes)
- La cohérence des dispositifs et des critères, reste à démontrer (CIDD, Eco Prêt, CEE)
- L'instabilité des mesures fiscales inquiéte et rebute les plus motivés (taux CIDD, TVA,…)
Dans ce dédale, le calcul des « reste à charge » et le choix des moyens de financement est un ingénierie à traiter individuellement au cas par cas : Par qui ? Quand ? Dans quelles conditions ?
Le syndicat des copropriétaires n'ayant généralement pas de réserves ni accès aux services bancaires classiques (pas de garantie) devra souvent faire appel à une tierce partie. Une certaine confusion doit être dissipée :
- La notion de tiers investisseur, dérivée des partenariats public privé, dans lequel la tierce partie paie les travaux et/ou équipements puis perçoit, sur une durée moyen ou long terme, un loyer partiellement compensé par des économies d'énergie, n'est pas adaptée au régime de la copropriété. Là encore la faiblesse de la personnalité morale de la copropriété, ne lui permet pas de conclure de tels accords, sans risques tant pour la copropriété que pour le syndic signataire.
- A l'inverse le principe du tiers financeur, relais entre le syndicat et l'organisme bancaire (français ou européen), répond bien aux carences actuelles. L'organisme tiers financeur (SEM nationale ou régionale) pourra financer la globalité du projet après avoir vérifié la solvabilité de la copropriété (mesure du risque), sa couverture patrimoniale (valeur marchande) et la qualité du projet (validation technique et agrément prestataires). Cette approche mérite d'être explorée dans les prochains projets de recherche-action, pour en préciser les modalités et vérifier leur efficacité.
2.7 Des aides parfois trop spécifiques ou ciblées
Les critères d'aide aux copropriétés pour la rénovation énergétique sont assez hétérogènes, notamment en région.
- Assez souvent l'aide est liée à la mise en place d'ITE. Ce procédé technique certes très efficace, peut s'avérer impossible pour diverses raisons : architecture, type de façades, contrôle ABF, surplomb limite de propriété, …. Obtenir un même résultat par ITI en site occupé est très difficile à organiser et impacte les parties privatives, donc ingénierie technique et financière globale très complexe.
- L'aide d'un « guichet de collectivités » (type mur mur) est fort intéressante puisqu'elle permet un large déploiement avec un effort public important mais très inférieur aux OPAH ou plan de sauvegarde. Notons toutefois qu'elle limite le projet à la dimension énergétique, elle soigne les « maladies de peau » sans s'occuper des éventuels besoins d'entretien des autres postes budgétivores (notamment les réseaux).
- D'autres régions concentrent leurs efforts sur des petites copropriétés ce qui limite la capacité de massification exprimée en nombre de logements.
2.8 Un défaut d'information général
La copropriété reste « le vilain petit canard » de tous les dispositifs publics, d'une part à cause de l'image de « riche propriétaire privé » qu'elle véhicule en comparaison avec le logement social, mais aussi par le manque d'expérience et de connaissance de tous les acteurs dans le domaine copropriété. A l'inverse, on dispose d'une large expérience d'action auprès des ménages ou des bailleurs sociaux, entités facilement repérables, identifiables et adressables.
Ainsi, dans les campagnes d'aide aux copropriétés, l'accompagnement social et l'organisation de la rénovation technique sont bien maîtrisés, mais il y a très peu d'acteurs susceptibles d'apporter une réelle assistance à la gestion et à la gouvernance de « l'entité copropriété ». Les acteurs ont appris le droit de la copropriété mais pas les modalités pratiques de la vie et du fonctionnement de ses structures.
Quant aux copropriétaires ils ont une très faible connaissance de la consistance et de l'état de leur patrimoine commun et, par voie de conséquence, de leur devoir d'entretien.
2.9 La position délicate des syndics
La rénovation énergétique ne trouve pas auprès des syndics tout l'écho que l'on pourrait en attendre.
Il faut comprendre que les syndics professionnels, acteurs référents présents dans plus de 80% des copropriétés, sont pour leur très grande majorité des agents immobiliers pour lesquels l'activité syndic peu rémunératrice alimente deux autres activités plus lucratives, la transaction et la gérance. Ils s'accrochent donc à leur mandat, mais, « statistiquement », ne réunissent pas toutes les conditions nécessaires : capital confiance et/ou compétence et/ou motivation, pour mobiliser les assemblées en vue de rénovation, sans mettre leur mandat en péril.
La gestion automatique des impayés (LR, contentieux) est souvent un poste de marge très significatif, mais n'apparaît pas toujours dans les comptes présentés aux copropriétaires.
Certains syndics préfèrent encore organiser des ravalements sans étude énergétique préalable, pour être sûrs de pouvoir lancer des travaux selon leurs procédures habituelles (1 à 3 devis), sans soulever de contestation, et bénéficier ainsi d'honoraires substantiels « sans risque ».
La tutelle exercée par le syndic sur la copropriété et son conseil syndical est aussi un frein à l'intervention de conseils externes : « Le conseil c'est moi, inutile de grever vos charges déjà lourdes ».
Les surcoûts importants imposés par le syndic lors des opérations de financement travaux (aides, emprunts, appels de provisions exceptionnels) pour couvrir la « garantie financière » en application de la loi Hoguet, sont injustifiés dès lors que ces fonds sont recueillis et placés sur des comptes ouverts au nom du syndicat et complètement étanches avec ceux du syndic. La garantie financière devient alors une TSVA (Taxe Sans Valeur Ajoutée).
Les intérêts du syndic professionnel et ceux de son client ne sont pas convergents, La posture des syndics vis-à-vis du compte bancaire séparé éclaire cette analyse.
Les syndics non professionnels, copropriétaires souvent bénévoles, échappent à ces critiques. Ils peuvent être classifiés en 2 catégories :
- Ceux qui cherchent à « réduire tous les frais » de leur copropriété et ne sont donc pas enclins à dépenser en conseil, études ou travaux. Ils vivent « cachés » et sont difficilement accessibles (immatriculation ?)
- Ceux qui, le plus souvent adhérents aux associations dont ils suivent les conseils, adoptent une attitude exemplaire vis-à-vis de l'entretien de leur résidence. Ils ont déjà engagé la démarche intégrant la dimension énergétique ou, a minima, mis en place des « fonds travaux » placés. S'agissant le plus souvent de petites copropriétés, leur contribution à l'effort de massification reste toutefois marginale.
La troisième voie est celle des syndicats coopératifs, dans lequel le Président du conseil syndical est également syndic. La confiance est renforcée par l'obligation légale de contrôle externe de la comptabilité.
Indépendants faisant appels à des prestataires externes, ou parfois réunis en Union de syndicats (cf les Grandes Terres à Marly le Roi http://www.gestion-usgt.fr/), ils atteignent le niveau professionnel pour gérer de grands ensembles, sans avoir les inconvénients précités.
Le développement des « syndics bénévoles coachés » pour les petites structures et des syndicats coopératifs pour les grands ensembles mérite d'être encouragé, dans l'attente d'une refonte du statut juridique. Notons en effet que ces organisations restent soumises au régime de la loi de 1965 et ne peuvent inscrire dans leur comptabilité les notions d'investissement et d'amortissement, adaptées à la gestion des travaux lourds.
3 Les réalités
3.1 La vue du parc de copropriété
Si l'on parle beaucoup des copropriétés en difficulté dont l'issue passe inexorablement par l'assistance publique, un grand nombre de copropriétés sont encore saines et capables de conduire leur destinée.
Le problème est que l'on ne dispose pas encore de moyen d'identification de ces copropriétés généralement fort discrètes sous la tutelle de leur syndic.
Sortent de ce lot des « endormies », celles qui bénéficient de la présence d'un leader (énergétique ou pas) membre d'un conseil syndical, qui saura comprendre les enjeux de l'entretien de son immeuble et y associer naturellement la dimension énergétique dans une démarche d'étude préalable.
Souvent ce leader aura déjà su imposer à son syndic la mise en place d'un compte bancaire séparé.
Ces leaders manquent généralement de compétence et de méthode pour mettre en mouvement leur copropriété et peinent à trouver un support de confiance sur la partie gestion (les dispensaires d'informations sur les techniques et l'énergie ne manquent pas).
Ces « porteurs d'envie » doivent être détectés, canalisés et aidés, ce sont des sources de projet et d'émulation.
3.2 Classification des copropriétés selon leur capacité d'agir
En l'absence (provisoire) de répertoire, la première difficulté est de repérer les copropriétés et de connaître leurs principaux acteurs (syndic et conseil syndical).
Le premier indicateur de capacité d'agir d'une copropriété, le thermomètre est le taux d'impayés. Cet indicateur, très facile à obtenir auprès du syndic, est révélateur :
Si taux > 15 %, inutile d'attendre le seuil légal d'alerte (25%) et son dispositif spécifique. La copropriété doit être dirigée vers des programmes de type Habiter Mieux, elle n'a plus la capacité à gérer seule ses difficultés et à entreprendre quoi que ce soit. Un traitement chirurgical s'impose.
Si 5 > taux < 15 % un diagnostic rapide de la gestion et de la gouvernance doit être réalisé pour comprendre l'origine des désordres et les possibilités de traitement par voie interne (ou de transfert vers la première catégorie).
Si taux < 5 % la copropriété est saine, les cas résiduels devraient se traiter par homéopathie, et la collectivité a la capacité à entreprendre, sans aides ou avec aides limitées.
Il est inutile et dangereux de mettre en oeuvre une opération de rénovation, si le taux d'impayés est > 10%.
Les autres indicateurs de « capacité d'agir » :
- L'existence d'un compte bancaire séparé illustre l'émancipation de la copropriété vis-à-vis de son syndic.
- L'existence d'un fonds travaux témoigne de la prise de conscience des enjeux
- L'organisation du CS et ses relations avec le syndic reflètent le niveau de maturité de la gestion.
- Le taux de PO (propriétaires occupants), favorable si > 60%
- Le taux de mutation annuel favorable si < 10 % sinon risque instabilité AG
- Le taux de participation aux AG (bonne mobilisation si > 60%)
- L'existence d'un potentiel de valorisation foncière (vente de communs, extension,..)
La caractérisation des copropriétés selon ces critères permet de déployer les efforts là où ils peuvent trouver leur efficacité.
3.3 Les dispositifs d'accompagnement se mettent en place
La réalité des dispositifs d'accompagnement connaissant la rénovation énergétique et/ou la copropriété se matérialise sous diverses formes :
- Le guichet unique PRIS autour des ALE
- Coach copro
- ARC, Copropriété-Services, Planète copropriété et Planète surélévation
- COPRO+
- Opérateurs « Habiter Mieux »
L'outillage se développe :
- BES et BIC (ARC et Planète)
- Inventaire et Carnet d'entretien dynamique COPRO+
Le financement pour tous existe concrètement (Warsmann)
Dans l'attente du PTZ collectif, les prêts à adhésion individuelle (un peu chers) sont opérationnels et offrent une capacité de financement pour chacun.
- Crédit Foncier (COPRO 100)
- Banque Monte Paschi (COPRO FINANCE)
3.4 La loi MOP peut être aménagée en « MOVCOP »
La loi MOP Maîtrise d'Ouvrage Publique, clarifie les rapports entre maître d'ouvrage public et maître d'oeuvre privé. Elle définit les missions du maître d'œuvre, pour chacune des phases du projet : APS (Avant-projet sommaire), APD (Avant Projet Définitif), PRO (études de projet), DCE (Dossier de consultation des entreprises), ACT (Assistance passation des Contrats de Travaux), DET (Direction Exécution Travaux), OPC (Ordonnancement, Pilotage Chantier). Ce découpage sert de base à la rémunération du maître d'oeuvre en pourcentage du budget prévisionnel global.
Les architectes et bureaux d'études privés appliquent ces principes pour la conduite des projets de rénovation avec les bailleurs sociaux, véritables maîtres d'ouvrage. Ils ont ainsi une garantie de rémunération des phases études.
Cette approche n'est pas copro-compatible puisque, au sens de la loi de 1965, des travaux ne peuvent être votés en AG, sans risque de contestation par un copropriétaire, que sur présentation de plusieurs devis détaillés, ce que l'on ne peut obtenir sans études préalables. C'est pourquoi de nombreux architectes et BET désertent les copropriétés. L'assemblée n'étant pas engagée à voter les travaux envisagés Ils ne sont pas sûrs de la réalité et de la consistance du projet final et par voie de conséquence, d'être rémunérés de leur investissement en études.
La parade existe, elle consiste à découper les études avec, pour chaque phase de mission, une commande ferme à rémunération fixe. Chaque AG valide l'étude présentée et engage le devis de l'étape suivante (stop ou encore). Si la confiance de l'AG est acquise au CS (souvent avec l'appui d'un accompagnateur, tiers de confiance), l'AG pourra déléguer au CS certaines de ses prérogatives (exemple validation entre APS et APD ou APD et DCE). Cette forme de MOVCOP (Maîtrise d'Ouvrage Virtuelle en COPropriété) reprend les bonnes pratiques de la loi MOP mais minimise les contraintes inhérentes à la loi de 1965. Elle n'est pas contestable et réduit le délai global du projet.
3.5 Les modalités de valorisation foncière sont facilitées.
La capacité à réaliser des actifs comme facteur déclencheur de travaux ou de fonds travaux se normalise :
- Vente de loge ou de parties communes,
- Extension de droits à construire (dont surélévation),
- Location d'espaces communs (antennes, publicité,…).
4 Les perspectives
Plusieurs avancées significatives du projet de loi ALUR ouvrent des perspectives à court terme :
4.1 L'immatriculation
C'est un point essentiel qui permettra de repérer les copropriétés, de les référencer et de les caractériser.
Cela désenclave le marché des copropriétés aujourd'hui verrouillé par les syndics et par certaines associations qui organisent leur référencement réservé à des fournisseurs « agréés » cotisants.
Les copropriétés pourront ainsi être « adressées » directement par les collectivités.
Attention toutefois au réalisme des informations susceptibles d'être efficacement collectées (cf ambition démesurée des projets initiaux).
4.2 Le compte bancaire séparé.
C'est une émancipation de la tutelle du syndic qui permettra de mieux responsabiliser les copropriétaires et d'alerter « en temps utile » de la dégradation de la situation financière des copropriétés. C'est aussi un moyen d'accélérer le recouvrement de certaines créances, les copropriétaires récalcitrants étant plus enclins à payer « à la copropriété » qu'au syndic, en qui ils n'ont pas confiance.
4.3 Le fonds de prévoyance
Dispositif majeur d'éveil des copropriétaires sur la nécessité d'entretien et de prévision de travaux, il permettra déjà de trouver les moyens de financement des études indispensables à la définition de plans cohérents.
Même si le niveau du dispositif (5% du budget de charges courantes) est insuffisant pour couvrir l'usure annuelle, estimée selon le contexte de l'ordre de 25 à 45 % du même budget, c'est un bon moyen de mettre le pied à l'étrier et d'initialiser une démarche engageante.
Ce dispositif trouvera d'autant plus son efficacité qu'il sera possible de faire des placements sécurisés et défiscalisés selon des formules de type PEC (Plan d'Epargne Copropriété préconisé par l'ARC).
4.4 Le diagnostic technique global
Plutôt qu'un audit énergétique détaillé qui, le plus souvent, confirmera l'état de « passoire énergétique », enveloppé de multiples considérations techniques aussi inutiles qu'incompréhensibles aux yeux des copropriétaires, le diagnostic technique global donnera un aperçu succinct des besoins d'entretien et surtout démontrera l'inéluctabilité de l'organisation des travaux d'entretien (dont dimension énergétique).
4.5 Sonner le réveil des copropriétés « endormies »
La publication de ces différentes dispositions, avec des mesures court terme concrètes, mieux centrées sur les difficultés des copropriétés que la simple focalisation sur l'énergie, créera un climat favorable au dialogue avec les structures de support mises en place.
Une priorité devra être donnée aux copropriétés encore saines, notamment celles dont les indicateurs sont favorables pour les « vacciner » contre l'impayite avec un triple objectif :
- Soutenir leur vie collective autour d'un leader ou d'un conseil syndical actif
- Leur éviter de rentrer dans la spirale infernale de défaillances
- Les inscrire dans une démarche de gestion prévisionnelle de l'entretien (diagnostic technique global).
Ces copropriétés ont un potentiel de financement indépendant, sous réserve d'un support en garantie de la collectivité. L'aide qui peut leur être ainsi apportée sous forme d'accompagnement et de garantie sera beaucoup moins lourde que celle nécessaire pour des interventions ultérieures sur le financement de travaux.
Cette approche, couvrant le volet prévention, est le meilleur vecteur de massification, à court terme, dans l'état actuel du régime de la copropriété.
4.6 Intensifier l'aide aux copropriétés dégradées
Les copropriétés dégradées n'ont aucune chance de sortir seules de leur impasse technique et financière.
Le volet « guérison » des copropriétés passe par l'intensification des programmes de type OPAH ou plans de sauvegarde en fonction des moyens que peuvent dégager l'Anah et les collectivités territoriales.
Nos recommandations :
- Améliorer la détection grâce à l'immatriculation et au rapprochement, pour cause d'intérêt public, des données cloisonnées existantes dans différents fichiers, mais très difficilement exploitables,
- Améliorer la caractérisation par des audits systématiques « fonctionnement gestion finances » préalables aux audits techniques.
- Développer le support à l'organisation des instances de la copropriété (juridique et fonctionnement).
Les dispositifs mis en place sont en effet centrés sur la rénovation du bâti et l'aide sociale. L'insuffisance des supports à l'organisation de la vie collective et des relations avec le syndic, laisse une situation propice au développement de « rechute prochaine » anéantissant les investissements lourds engagés par la personne publique.
4.7 Fédérer les initiatives nationales et régionales – Former les acteurs
La copropriété est certes du domaine privé mais sa dégradation devient un phénomène social que la personne publique ne peut ignorer.
Face à ce problème « insaisissable » (à tous les sens du terme) les initiatives nationales et régionales se multiplient. Il est important de poursuivre ces efforts comme ceux développés par le PUCA (appels à projets nationaux et régionaux), l'ADEME, l'Anah, et les collectivités territoriales.
Nous recommandons toutefois d'organiser la « fédération » de ces différents projets et initiatives pour apporter une lisibilité tant vers les copropriétaires que vers les syndics.
Un effort de formation doit également être entrepris pour éliminer la confusion entre logement collectif et copropriété qui amènent les acteurs à proposer des dispositifs difficilement « copro-compatibles ».
4.8 Perspectives moyen … ou long terme
Le statut atypique de la copropriété, sans véritable maître d'ouvrage, avec, comme l'explique Dominique BRAYE dans son rapport, une prépondérance du droit individuel sur le collectif est, pour nous praticiens, la cause fondamentale des difficultés croissantes des copropriétés. Il explique la dégénérescence programmée des immeubles dans les secteurs de marché non tendus : gouvernance faible à défaut d'entretien à dégradation du bâti à augmentation des charges à défaillances individuelles à exode des solvables à dévalorisation patrimoniale à déséquilibre social à défaillance collective à plan de sauvegarde ou destruction
Une véritable « massification » n'est pas possible dans ce contexte :
La transition énergétique, en copropriété passera par la transition juridique
Le rapport du sénateur DILAIN illustre encore, s'il en était besoin, cette impérieuse nécessité, puisque la loi de 1965 est dénoncée comme entrave à l'intervention de la personne publique lorsque, dans le cadre de plan de sauvegarde, elle entend se substituer aux personnes privées pour financer la réhabilitation des immeubles.
On imagine aussi avec effroi le sort des copropriétés récentes construites dans le cadre de programmes de défiscalisation, occupées majoritairement par des locataires, et mal gouvernées. La personne publique sera un jour appelée à reprendre en charge ce qu'elle a déjà partiellement payé par la défiscalisation.
Le changement de statut, avec la définition d'une entité de gestion (syndicat des copropriétaires ou autre) effectivement propriétaire des parties communes qu'elle est chargée d'entretenir, permettra d'inscrire ces actifs dans une comptabilité complète. Il sera alors possible de communiquer aux acquéreurs, puis aux copropriétaires, lors des AG, la consistance et l'état des parties communes dans lesquelles sont intégrés leurs patrimoines individuels. Le corollaire est de mettre en place une gestion prévisionnelle de l'entretien, avec un financement commun, et un suivi des besoins autour d'un carnet d'entretien dynamique.
La recherche action « le carnet d'entretien amélioré et le plan comptable au service de la rénovation énergétique » conduit avec Planète Copropriété et lauréat de l'appel à projet PUCA a permis d'expérimenter l'intérêt de la démarche et les principes de mise en œuvre :
http://rp.urbanisme.equipement.gouv.fr/puca/activites/rapport-carnet-entretien-plan-comptable.pdf
5 Conclusion
Les spécificités du statut des copropriétés et leur défaut général d'entretien rendent leur rénovation énergétique plus difficile et plus couteuse que dans les autres secteurs de l'habitat.
Tout dispositif d'accompagnement doit donc être adapté et ciblé avec le souci de « copro-compatibilité ».
Il est important d'organiser une démarche cohérente, entre structures nationales et collectivités territoriales pour développer les initiatives dans ce sens.
Les dispositions du projet de loi ALUR marquent des avancées significatives pour l'émancipation et le « réveil » du secteur. Elles restent toutefois insuffisantes pour espérer une massification conforme aux objectifs nationaux.
Il y a donc urgence à traiter le problème de fond de la copropriété, l'évolution de son statut, libérant ainsi les deux contraintes majeures : la gouvernance et la gestion comptable. C'est à notre avis le seul moyen de combattre la procrastination ambiante et de massifier les opérations de rénovation énergétique en copropriété.
Ne pas légiférer pour résoudre ce problème serait de la non assistance à copropriété en danger !
Nous restons à la disposition des organismes nationaux et régionaux pour participer à ce vaste chantier.
Favoriser l'accès à la copropriété c'est bien – Organiser les moyens de l'entretenir c'est mieux.